Charles Frechon : Le Boulevard Cauchoise

Charles Frechon : Le Boulevard Cauchoise

 

         En janvier 1904, le Musée de Louviers bénéficie de l’importante donation de Constant Roussel. Il décède 2 mois après, dans sa quatre-vingt dixième année. Gérant de l’entreprise de fabrication de chaussons Labelle situé à Saint-Pierre-du-Vauvray, tout près de Louviers dans l’Eure, c’est un amateur d’Art qui constitue durant de longues années, une vaste collection, notamment de peintures. Le Musée des Beaux-Arts de Louviers lui rend hommage par une exposition d’envergure de sa donation, du 24 juin au 02 novembre 2025.

         Constant Roussel se tourne, durant les deux dernières décennies de son existence, vers les Peintres de l’Ecole de Rouen. Il acquiert ainsi onze toiles, soit lors des Expositions et Salons Municipaux rouennais, soit dans les Galeries privées dont la fameuse maison Legrip, A l’Ami des Arts, 59, rue de la République à Rouen. Trois peintres recueillent ses faveurs : Léon-Jules Lemaitre (1850-1905), Charles Frechon (1856-1929) et Joseph Delattre (1858-1912).

         Arrêtons-nous, si vous le voulez bien, sur une toile de Charles Frechon :

Charles Frechon : Le Boulevard Cauchoise
Charles Frechon : Le Boulevard Cauchoise, Rouen, 1902, hst sbg, 61x73, Musée de Louviers, donation Constant Roussel 1904, inv LOV3718.


En 1998, Michel Natier, alors Directeur du Musée de Louviers, réalise une Rétrospective Charles Frechon, dont ce tableau porte le n°22. François Lespinasse, dans le catalogue de l’exposition, explique :

« Dans cette jolie vue, d’un boulevard rouennais caractéristique, l’artiste s’est placé çà égale distance de la Place Cauchoise et de la Seine.

         La facture et la touche de ce tableau, exécuté vers 1902 (NDR : la datation exacte confirme cette supposition, voir plus tard), donnent à celui-ci un aspect bien différent de La Place Cauchoise (fig2), réalisée dix ans plus tôt.


Charles Frechon : Le Boulevard Cauchoise
Fig2 : Charles Frechon : Rouen, Place Cauchoise, 1891, hst sbg, 27x35, coll. part.

François Lespinasse continue : « Il est intéressant de voir l’évolution du peintre, la touche prend un aspect ’virgulé’. Le tableau donne une plus grande impression de liberté et son auteur semble s’être débarrassé des contraintes imposées par les règles néo-impressionnistes.(…) »

 

A propos de la datation de l’œuvre : nos dernières recherches ont mis à jour un article publié dans le Journal de Rouen du 26 décembre 1902, non signé mais dont la rhétorique ressemble à coup sûr à celle du fameux Georges Dubosc, journaliste et critique d’Art au ‘Journal de Rouen’, dont nous transcrivons ici quelques passages relatant l’exposition Charles Frechon à la Galerie Legrip :

 

 

« Quelques toiles

(…) Son exposition, dans la vitrine de M. Legrip, comprend un ensemble de six toiles, d’un sentiment fort différent, mais qui se recommandent toutes par la clarté lumineuse des harmonies colorées et violentes dont se plait l’artiste. »

Puis l’auteur de l’article décrit le sixième tableau qui correspond parfaitement avec celui du Musée de Louviers :

« (…) et par un pittoresque aspect du Boulevard Cauchoise à l’automne, avec ses tramways filant sous les pauvres arbres, le long des contre-allées tapissées de feuilles mortes.(…) »

Charles Frechon ayant pour coutume d’exposer chez Legrip, ses derniers travaux de l’année, nous pouvons donc considérer que ce tableau date bien de l’automne 1902.

Ci-après, les deux extraits de l’article :


Charles Frechon : Le Boulevard Cauchoise

Charles Frechon : Le Boulevard Cauchoise

Le Journal de Rouen du 26 décembre 1902


Parallèlement, nous pouvons fortement envisager que Constant Roussel achète cette œuvre à la Galerie Legrip lors de cette exposition.

Il est, en outre, intéressant de s’interroger sur le choix de Constant Roussel dont la préférence se tourne généralement vers les paysages de campagne, les bords de fleuve et leurs activités. Six Frechon étaient accrochés aux cimaises Legrip : Ferme à Quévreville, Un matin au Mont-aux Malades, Feuilles d’octobre, Brouillard sous-bois, Les Champs. Il est donc étonnant qu’il se soit senti attiré par cette vue urbaine ! Les autres toiles étaient-elles déjà vendues, lorsqu’il rend visite à la Galerie Legrip ? Il faut noter tout de même que sur les cinq ‘Léon-Jules Lemaître’ qu’il collectionne, quatre sont des scènes de rue ; mais pour être complet, il faut savoir qu’à partir de 1890, Lemaître se borne à ne produire que des scènes de rue.

 

                                                                           Brice Aurpeuthy

 

 

Sources :

- Conférence de M. Cornu du 15 février 2014 : Constant Roussel ;

- Catalogue de l’exposition du Musée des Beaux-Arts de Louviers, Ed Ville de Louviers : Rétrospective Charles Frechon, du 16 mai au 21 septembre 1998 ;

- Catalogue de l’exposition du Musée des Beaux-Arts de Louviers, Ed Octopus : Collection Constant Roussel, du 24 juin au 02 novembre 2025 ;

- François Lespinasse : L'École de Rouen, Éditions Lecerf, Rouen, 1995 ;

- Archives départementales : Le Journal de Rouen ;

- Archives personnelles ;

- remerciements à Angélique Bunel, Attachée de Conservation , Musée de Louviers ;



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