Etude de la cote d’Albert LEBOURG
En prélude à l’exposition montée par le Musée
Municipal de Pont-Audemer à l’occasion de la donation de deux toiles d’Albert
Lebourg (1849/1928) dont la Directrice, Mathilde Legendre, avait déjà
accueilli sur ses cimaises lors du premier trimestre 2008 « L’
Ecole de Rouen, de l’impressionnisme au cubisme, soixante ans de modernité » qui
rencontra un succès incontestable.
Avant que son département natal ne lui rende
hommage en les murs du Musée des Beaux-Arts d’Evreux, lors d’une grandiose
rétrospective prévue pour l’automne 2010, année phare de L’impressionnisme
en Normandie, nous nous sommes penchés sur la côte d’Albert Lebourg.
Comme pour bon nombre de peintres, l’historien
d’art tente de fragmenter la carrière d’un artiste afin de mieux en appréhender
l’évolution du style, d’en rapprocher les influences, et d’en découvrir puis
définir les similitudes stylistiques caractéristiques de la période. Cette
« fragmentation » est fréquemment basée sur les déplacements
géographiques du peintre, comme ses voyages ou ses déménagements par exemple,
mais également sur des critères plus psychologiques comme une rencontre, un
changement de médium, une exposition capitale ou même un choc émotionnel. Bien
évidemment, la cote de l’artiste se calque aveuglément sur ce découpage,
omettant quelquefois une période, révisant la valeur d’une autre au gré de
l’apparition sur le marché d’œuvres d’une haute qualité significative.
Albert
Lebourg ne déroge pas à la règle : il est établi de recenser plusieurs
périodes selon, ici, ses déplacements. Toutefois, il est important d’insister
sur l’unité stylistique de son œuvre, Albert Lebourg n’ayant employé
exclusivement qu’un vocabulaire impressionniste toute sa vie durant, s’y
confondant presque quelques fois aux limites de l’abstraction. Côtoyant les
Maîtres du mouvement et participant à leurs côtés aux Expositions
Impressionnistes de 1879 et 1880, il devint, à l’instar d’Alfred Sisley, un
apôtre du mouvement impressionniste.
1- jusqu’à son départ pour Alger en 1872 : quelques huiles des alentours de
Montfort-sur-Risle, des ports de Rouen et de Dieppe (1.000 à 4.000€) et de plus
nombreux dessins, surtout académiques (500 à 1.500€).
2- Alger (1872/1876) : malgré la rareté des œuvres mises sur le marché, et leur
éblouissante luminosité, la cote de “Lebourg orientaliste” n’est pas encore à
la hauteur des attentes (10.000 à 15.000€) ; il en est de même pour les
dessins (1.500 à 4.000€).
3- Paris (1876/1920) : des sites privilégiés : les quais (10.000 à 30.000€),
Notre-Dame, toujours prisée (15.000 à 35.000€), et des réussites
incontestables : Chatou, Meudon, Neuilly, Sèvres, Suresnes… (1888/94),
puis Moulineux (1910) (15.000 à 40.000€). Quelques dessins intimistes (1.500 à
6.000€). Notons des allers-retours incessants en Normandie ; il acquiert
un appartement sur les quais de Rouen en 1892, d’où il rayonne dans les
environs, descendant la Seine jusqu’à Honfleur (10.000 à 35.000€).
4- Auvergne : 2 voyages (1884 et 1885/86) : malgré son œuvre manifeste “ Neige
en Auvergne ” les amateurs ne semblent que peu apprécier les
œuvres ; la rudesse du Pays et la rigueur de ses hivers débouchent sur des
toiles aux tonalités sombres, éclairées, il est vrai, par quelques effets de
neige (5.000 à 13.000€).
5- Hollande : 2 voyages (1895/96 et 1896/97) : paysages où il excelle : de
l’eau, des ciels bas et chargés, et les moulins comme éléments architecturaux
majestueux ; cote certaine (15.000 à 35.000€).
6- St-Gingolph sur le Lac Léman (1902) : paysages montagneux peu à sa mesure,
mais il se raccroche à l’élément aquatique sillonné par les barques à la
voilure élancée si particulière ; période peu connue et la faiblesse de la
cote en résulte (12.000 à 18.000€).
7- La Bouille (1904/1909) : beaucoup de sensibilité ; la Seine
semble plus proche et plus vivante, animée par le bac qui la traverse et les
vapeurs qui font la navette avec Rouen ; bonne cote rarement galvaudée
(17.000 à 40.000€).
8- La Rochelle (1905) : motif recherché, d’une palette matinale particulière
nuancée de gris qui irisent les rayons du soleil. Emerveillé, se souvenant du
port fermé par ses deux tours peint par Corot, il compare le site avec Venise.
Cote ferme (20.000 à 35.000€).
9- Rouen (après 1920) : œuvres rares. Devenu hémiplégique, Albert Lebourg nous
propose des compositions plus gauches et incertaines. Les prix d’adjudication
s’en ressentent, dévalorisant la cote générale du peintre, d’où un amalgame mal
perçu par un public peu averti.
Quelquefois
un peu confuses, les toiles d’Albert Lebourg ne manquent jamais de sincérité.
Ainsi, il n’a jamais versé dans la “peinture alimentaire”. Habituellement
insatisfait de son travail, il fit toujours preuve d’une grande humilité.
C’est
le peintre des ciels embrumés que le soleil tente laborieusement de
transpercer. C’est celui des cours d’eau calmes, sièges d’une palette riche et
nerveuse.
Peintre
très présent dans les ventes publiques comme dans les galeries de par le monde,
sa cote ne variera que peu, hors périodes délaissées aujourd’hui. Il y a donc
peu de craintes à formuler sur l’avenir, le “coup de cœur” restant ainsi le
meilleur conseiller.
Hubert Priaucey
P.S.
- En contrepartie, ces derniers constats font, en conséquence, que des faux
circulent !
Prix
moyens, au marteau’, hors frais, relevés sur les 7 dernières années pour des
œuvres de qualité.
Sources : archives perso, ouvrages Lespinasse, catalogue
Bénédite, dictionnaire Bénézit, Artprice, Auction.fr.