De l’étude de la cote des œuvres sur
papier de Charles ANGRAND 2 - les
PASTELS
Ce papier de notre ami Hubert Priaucey fait suite à
un article publié en mars 2010 sur les "Maternités de Charles ANGRAND"
Charles ANGRAND - Le Port de Rouen 61x93 coll. part. |
Après
l’étude sur les Maternités, dessins réalisés sur une période
courte mais sans aucun doute la plus exceptionnelle de son œuvre graphique et
reconnue comme telle par les historiens d’art, nous nous tournons, dans ce
deuxième essai, vers les Pastels de Charles
Angrand (1854-1926).
Depuis
le décès de son ami Georges Seurat en 1891, comme par amertume, Charles Angrand
a abandonné la couleur. Le noir et blanc lui suffit. Il se
trouve pleinement en phase dans cet univers intimiste. Néanmoins, une brève
incartade entre 1905 et 1908, donne le jour à quelques huiles au chromatisme
réfléchi et à la structure géométrique de la touche "en bâtonnet".
Puis, c’est le retour au fusain jusqu’en 1912. « J’essaie du pastel »
écrit-il en juillet de la même année à Maximilien Luce. Il restera désormais
fidèle à ce médium.
Durant
ces treize années (1913-1926), Charles Angrand produit environ 400 pastels,
dont il n’en signe qu’une centaine. En effet, seules les feuilles abouties, à
la composition équilibrée, reçoivent signature et quelques fois datation (il
retournait ses dessins face sur le chevalet, en évaluant ainsi l’équilibre des
masses par transparence, hors influence du motif ou des tons ; cqfd).
Rares
sont les artistes qui ont consacré une période de leur carrière exclusivement
au pastel. Mais tous ont reconnu dans ce médium, la rapidité d’exécution devant
un sujet "éphémère", sa facilité de transport "sur le
motif", sa douceur de rendu "des carnations". Ainsi,
Eugène Boudin couche, dans un élan vif, les ciels lourds de nuages ou ceux
embrasés par le soleil couchant. Edgar Degas retranscrit, par ses coups de
bâton de pastel, le travail des corps de ses petites danseuses à la
limite de la torture. Levy-Dhurmer, à l’instar d’Odilon Redon, irradie ses
portraits comme ses paysages, d’une lumière vaporeuse dont seul le pastel peut
sublimer le rendu.
Dans
cette ultime et longue phase, Charles Angrand en fait son médium :
il l’utilise comme unique moyen propre à définir la prépondérance de la nature
et ses formes libres voire envahissantes (A St-Laurent-en-Caux 65x92
coll. part.), comme de la matérialité des activités industrielles du port avec
ses formes rectilignes et acérées (Le Port de Rouen 61x93 coll.
part.), ou les scènes de genre plus douces et remplies d’humanité (La
partie de cache-cache 62x90 coll. part.).
« Peut-on
définir les pastels d’Angrand de symbolistes ? »
s’interrogeait Laurent Salomé, Conservateur du Musée des Beaux-Arts de Rouen,
lors de la réunion de travail en préparation à l’exposition des Œuvres
sur Papier de Charles Angrand aux Cabinets des Dessins de cet été
2010. Nous pourrions même étendre la question : relèvent-ils du naturalisme ?
du réalisme ? L’Histoire de l’Art laisse aujourd’hui le
champ vierge aux spécialistes pour une étude approfondie.
Il est en tout cas certain, que Charles Angrand ne décrit jamais la nature pour elle-même, comme a pu le faire toute sa carrière durant Georges Bradberry, pastelliste de la seconde génération de l’Ecole de Rouen. Il y a constamment, dans les dessins de notre artiste, un discours social : ici nature veut dire labeur ! Dans la sérénité du verger, les pommiers donnent à profusion de belles pommes rouges, mais les femmes, au dos meurtri, sont accroupies et peinent à ramasser les fruits .
Charles ANGRAND - Les ramasseuses de pommes 62x86 coll. part. |
Malgré les festivités qu’engendrent la fin des moissons et le soin des chevaux pavoisés, le paysan, en chapeau de paille, arbore son matériel aratoire ;
Charles ANGRAND - Le triomphe des moissonneurs 67x95 coll. part. |
et
même lorsque l’être humain disparait, les animaux, après leur labeur, subissent
les déluges de la nature .
Charles ANGRAND - Les chevaux sous la pluie 72x100 coll. part. |
Cette
absence remarquée d’étude de cette période touchante de l’œuvre de Charles
Angrand de la part d’Historiens d’Art ou d’instances muséales, débouche sur une
côte timide et fluctuante. L’état de la feuille ainsi que son encadrement sont,
bien évidemment, à considérer. On relève des côtes entre 10 et 20.000€.
Ajoutons
que cet essai ne vaut que pour les feuilles d’importance (autour de 70x90 en
moyenne) et signées. Insistons sur le fait que seules ces dernières sont
signées, voire datées, de la main de l’artiste, toutes les autres portant, au
mieux, le cachet d’atelier ou le timbre de la signature. A titre de
comparaison, ces études "naviguent" entre 500 et 2.500€.
Hubert PRIAUCEY
Je
vous donne un lien très instructif provenant du Musée d’Orsay, à propos de leur
expo d’octobre 2008 à février 2009 : Le mystère et l’éclat,
pastels du Musée d’Orsay : http://www.musee-orsay.fr/fr/manifestations/expositions/au-musee-dorsay/presentation-detaillee/article/pastels-du-musee-dorsay-16509.html?tx_ttnews%5BbackPid%5D=649&cHash=9447745262
Prix
moyens, « au marteau », hors frais.
Sources :
archives perso, ouvrage Lespinasse, Bénézit, Artprice, Auction.fr.
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