Joseph DELATTRE
une œuvre, une histoire par Brice Aurpeuthy et JACBA
QUAND : entre 1895 et 1900
QU’EST-CE : Les régates (huile sur toile, coll. part.)
COMMENT : Joseph Delattre est un paysagiste, un paysagiste des bords de Seine, notamment.
Au début des années 1890, il oriente ses recherches dans la
retranscription des brumes portuaires rouennaises. Il s'évertue à donner de la
transparence dans la palette de ses gris, en les éclairant de bleu, de
vermillon, d'ocre... Une recherche tout en délicatesse.
Après son déménagement à Petit-Couronne en 1902, ce sont les
gribanes, ces barques de transport de roches et de craie des carrières de
Biessard, qui captent l'attention de notre peintre.
Notre toile, exceptionnelle, se situe entre ces deux
périodes. Joseph Delattre, grâce à ses correspondances avec Charles Angrand,
l'ami de Seurat, a parfaitement intégré les principes néo de la décomposition
de la touche. Plus large dans les reflets du fleuve, cette touche devient
punctiforme dans les voilures, simulant le gonflement ou le faseyement de ces
dernières, c'est à dire le mouvement !
Et que dire des couleurs réfléchies sur les ondes sages de
la Seine: un mélange étonnant de parme venant du ciel, de mauve produit par les
coteaux, quelques traits crème pour les voiles, coquille d'oeuf rosé pour le
reflet des falaises de craie, sur fond bleu céleste dégradé (plus clair).
Quant au premier plan de droite ocre-vert figurant la berge,
il est caractéristique de Delattre, permettant d'étager les plans successifs,
ce qui amène toute la profondeur de la composition.
Brice AURPEUTHY
L'environnement du peintre en 1895-1900
Le peintre réalise
son œuvre entre 1895 et 1900, c’est-à-dire au début de la « belle
époque », caractérisé par de nombreux progrès technologiques : en 1895,
les frères LUMIERE déposent le brevet du cinématographe, en 1897,
Eugène DEMARÇAIS isole l’EUROPIUM, en 1898, Pierre et Marie CURIE, le RADIUM,
le chimiste américain John ABEL, l’adrénaline, Joseph THOMSON annonce la
découverte de l’électron, élément fondamental des rayons
lumineux, et Clément ADER réalise un premier vol horizontal de 300 mètres sur
son AVION III...et aussi des catastrophes !
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un train "s'arrête" en Gare Montparnasse en 95 |
Mais, dans cette
période également riche sur le plan culturel surviennent également des
évènements qui jettent le trouble dans cette société qui, sortant d’une longue
période de guerre, respire enfin. J’en cite deux :
- Le 4 mai
1897, un gigantesque incendie survient au Bazar de la Charité à PARIS,
faisant 121 morts. L’effervescence autour de ce drame générera toutes
sortes de réflexions, chacun voyant dans l’évènement récupéré, interprété et
amplifié par le presse, des symboles quasi mythologiques sur la dégradation de
la société ; les milieux cléricaux lui y attribuèrent même l’expression
d’une punition divine.
- Le 13
janvier 1898, publication par le journal « l’aurore » du
« J’ACCUSE », relançant l’affaire DREYFUS. Dans ce texte virulent,
l’écrivain Emile ZOLA, soutenu par Georges CLEMENCEAU, dénonce les manigances
qui entourent le procès démarré en 1894 du capitaine DREYFUS, accusé
d’espionnage.
- Le 19 septembre 1899,
le Président de la République Emile LOUBET gracie DREYFUS, reconnu pourtant
coupable de haute trahison par la cour militaire. Et c’est seulement en 1906
que DREYFUS est définitivement innocenté.
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Paul GAUGUIN - D’où venons-nous ? Que sommes-nous ? Où allons-nous ? |
C’est dans cet
environnement agité que Paul GAUGUIN réalise une de ses œuvres
postimpressionnistes la plus connue, peinte à Tahiti, actuellement
abritée par le Musée de BOSTON (USA) : « D’où venons-nous ?
Que sommes-nous ? Où allons-nous ? ».
Tout un programme d’actualité, n’est-ce-pas ?
JACBA