Interview de proches parents de Pierre HODE (1889-1942)
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De
gauche à droite, Mme DUC, M. DUC (fils de Mme DUC et arrière-petit-fils de
P.HODE) et Mme PHILIPPE-MAILLE (filleule et nièce de P.HODE) |
C'est le mercredi 26 novembre 2014, lors du vernissage de la 3ème édition du « Temps des Collections » du Musée des Beaux-Arts de Rouen, que nous avons la joie de rencontrer Madame DUC, petite fille et Madame PHILIPPE-MAILLE, filleule et nièce du peintre Pierre HODÉ. En effet, cette édition rend hommage à ce dernier, dans la Salle Jacques-Émile Blanche du Musée.
Cette exposition
d'environ 25 toiles, débute par une vitrine de photos, dessins et projets de
décors de théâtre, dits 'décors synthétiques', faits d'éléments
géométriques cubiques, sphériques et pyramidaux que le metteur en scène peut
déplacer à volonté selon la scène. Enfin, l'accrochage montre les différentes
périodes d'évolution de style du peintre : Impressionniste au côté de ses
pairs PINCHON et DUMONT, "Natures Mortes cubisantes",
portraits, puis une série de ports dont Rouen et Honfleur.
Marie-Claude COUDERT,
conservateur au Musée de Rouen, est le commissaire de cette exposition.
Nous sommes, avec
Mesdames DUC et PHILIPPE-MAILLE, assis face aux œuvres :
Q : « Alors,
Mesdames ?
Mme Philippe-Maille : ma
première impression est très bonne et je suis même agréablement surprise !
Mme DUC : Oui
oui, c'est très bien aménagé et ce n'est pas une exposition minime. C'est
bien !
Q : L'accrochage
balaye différents thèmes et périodes…
Mme D :
Pierre HODÉ s'est beaucoup cherché. Il s'est inspiré de ses prédécesseurs mais
sans jamais les copier. Il n'en a pris que l'inspiration ! Enfin, il a
abouti à ses œuvres cubistes, analytiques.
Je dirais que c'est la
couleur qui prime chez lui, pour rendre les formes cubistes. Ce n'est pas le
trait. Les tons sont doux, sensibles.
Mme PM :
Je me souviens de Pierre HODÉ dans son atelier à Montparnasse et, plus que ses
tableaux, c'est sa création du « Théâtre Synthétique » qui m'a
frappée !
Q : "Le
Théâtre Synthétique"...
Mme D :
J'ai eu le bonheur de le revoir, il y a une trentaine d'années, pour l'opéra de
VERDI, Aïda (1984-POPB, Direction musicale de Michel PLASSON, Mise en scène et
décors de Vittorio ROSSI, NDR), où les machinistes déplaçaient le décor
géométrique à la vue du public.
Mme PM :
Quant à moi, j'ai retrouvé ce "Théâtre Synthétique" au
Théâtre des Arts de Rouen, pour le décor de "Véronique" (opéra
d'André MESSAGER, en novembre 2008, Direction Nicolas CHALVIN, Mise en scène
Alain GARICHOT, NDR).
Q : Vous
vouliez nous conter quelques anecdotes ?
Mme D :
Oui, Pierre HODÉ était à la fois Artiste et fantaisiste.
Tenez, une fois, il vient
me chercher à la sortie de l'école, je devais avoir 7 ans, pour m'emmener voir
un opéra des Concerts Colonne (Association créée par E. Colonne en 1873, NDR).
Je me souviens, j'étais en tablier noir d'écolière.
Une autre fois, nous
étions en famille à St Germain-des-Prés et nous remontions la rue de Rennes.
Tout à coup, Pierre HODÉ et mon père décrètent de mimer le 'Paris –
Strasbourg' à la marche. Ils se déshabillent alors et, en caleçon et
fixe-chaussettes, ils remontent toute l'avenue jusqu'à la gare
Montparnasse ! La fantaisie à l'état pur !
Une dernière : un
midi à La Coupole, alors qu'il n'avait que très peu de moyens et qu'il venait
finir de grignoter une maigre boulette, il se renverse sur sa banquette et il
jette au serveur : « Allez, que l'on amène les danseuses
hindoues ! ».
Mme PM :
Je me souviens de ma communion solennelle, en 1936, à l'abbaye de Fécamp, avec
les messieurs en smoking et les dames en robe longue. Arrive mon oncle Pierre
HODÉ, qui n'était pas croyant mais toujours fidèle à la famille, en pantalon de
velours et chemise écossaise ! Cela avait choqué mais j'étais ravie.
Mme D : Voilà,
c'était son côté fantaisiste et non conventionnel ! Horreur des
honneurs ! Horreur des marchands de tableaux !.
Q : Nous
fêtons le centenaire de la guerre de 1914. Pierre HODÉ a été réformé, mais il
s'est engagé volontaire en 1917.
Mme D :
Oui, il était aux Services de Santé, à ramasser les blessés dans les tranchées
où il a été horriblement gazé et dont il est décédé des séquelles en 1942 à
l'Hôpital BICHAT.
Je me rappelle que, quand
j'étais petite, mon père se levait souvent la nuit afin d'aller chercher des
sangsues à la pharmacie, tellement Pierre HODÉ suffoquait ! D'ailleurs, il
ne pouvait pas dormir allongé mais assis dans un fauteuil bergère.
J'ajouterais qu'à la
guerre de 1940, il s'est engagé avec mon père dans la Résistance ! Au sein
du 'Réseau Nord'. Dans le vestibule de son appartement qui n'était
jamais fermé à clef, il avait accroché un grand panneau bleu-blanc-rouge sur
lequel il avait inscrit : "Ici, on est en FRANCE" !
Q : Un
dernier mot sur cette commémoration ?
Mme PM :
J'ai beaucoup lutté pour cet hommage, et pour obtenir une stèle dont j'aurais
souhaité qu'elle se tienne Bd Pasteur à Rouen. Je suis très heureuse de le voir
enfin exposé au Musée des Beaux-Arts de Rouen. Et je remercie tous ceux qui ont
contribué à sa réalisation de même que l'Association des Amis de l'École de
Rouen.
Mme D :
Je tiens à dire un grand merci à ma cousine, Mme PHILIPPE-MAILLE, dont je loue
la pugnacité. Grâce à elle et à votre Association, Pierre HODÉ est rentré chez
lui !
Propos recueillis par Pierre Buychaut
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Pierre HODE - natures mortes "cubisantes" - vitrines des projets de décors du Théâtre "synthétique" de l'époque impressionniste |