De l'intérêt (inter)national pour les Peintres de l'Ecole de Rouen
Certains peintres de L’École de Rouen, comme nous le
disions dans notre dernière rubrique, ont d’ores et déjà renversé les
frontières locales et suscité l’intérêt national, voire celui des
collectionneurs internationaux. Charles Angrand en est incontestablement le
meilleur exemple. Comment faut-il l’analyser ? Est-ce rédhibitoire ?
Tout d’abord, il faut bien avoir en tête que, bien que nos
peintres de l’École de Rouen soient nés il y a plus d’un
siècle, des découvertes parmi eux par les sommités muséales restent encore
possibles : en effet, l’Histoire de l‘Art a à peine bouclé le XVIIème siècle ;
quant au XIXème, et a fortiori au XXème, les historiens
“reconnus“ ne défrichent qu’à peine la forêt d’artistes qui la composent. Et il
faudra encore deux à trois siècles avant d’établir un classement catégoriel
validé par tous puisque, tant les spécialistes diplômés, que les
collectionneurs et également l’Histoire elle-même nécessitent de façon
incontournable, ce travail de fond d’organisation.
Quand l’un de nos peintres voit sa cote s’envoler, à la suite de
la parution d’un ouvrage richement illustré ou d’une rétrospective bien menée
et, surtout de nos jours, bien médiatisée, il rentre tout
naturellement dans une autre sphère de collectionneurs. Si l’œuvre de cet
artiste se révèle homogène, émaillée de réels points d’orgue, toutes les
chances sont de son côté. Bien que nationalement peu connu (peu représenté dans
les institutions publiques), il peut, sans coup férir, devenir une découverte
certaine : il existe des professionnels et des collectionneurs à l’affût
de ce genre de phénomène ! Cohabiteront des connaisseurs, acquérant de manière
réfléchie, et bien évidemment des spéculateurs, achetant “ avec leurs
oreilles ”, c'est-à-dire à l’écoute des commentaires artistiques et économiques,
de la rumeur ou de la presse, présageant une plus-value rapide, 2 à 4 ans, au
risque de faire grimper les prix de façon extravagante voire exponentielle !
En second lieu, pour peu que les galeries de réputation
nationale et internationale lui reconnaissent une qualité marchande de haut
niveau, et que les pouvoirs publics approuvent la qualité artistique
particulière de notre peintre, il y a des chances que le niveau de prix reste
élevé pendant longtemps. Ipso facto, il y a peu de chances que le collectionneur
local voit un jour revenir cet artiste dans son giron, surtout si notre amateur
a fait des “arbitrages” (terme politiquement correct pour ventes),
à savoir géré économiquement sa collection et, pourquoi pas, fait le jeu de la
spéculation ambiante.
Cela dit, et “c’est tant mieux”, le cheminement du marché de
l’art nous gifle régulièrement de contre-exemples, lorsque la cote d’un peintre
est artificiellement “travaillée” : investissements fugaces, spéculateurs
impatients… Le merveilleux Robert-Antoine Pinchon, un des chefs de file
de L’École de Rouen, subissait de tels assauts, il y a une
vingtaine d’années. Nous tenterons, dans une prochaine rubrique, d’analyser son
parcours économique.
Mais sachons rester serein : le marché de l’art sait toujours se corriger et s’autoréguler avec le temps.